Les quatre vérités des nobles

par Lama Shérab Namdreul

 

 

Bouddha Shakyamouni  Le Bouddha de Sarnath, Ve siècle. Musée de Sarnath

 Le Bouddha Shakyamouni affirma s’être éveillé [1] de l’ignorance et que toutes les illusions de l’esprit ont été abandonnées. Cette affirmation est illustrée par le Moudra qui prend la « Terre à témoin » (sct. Bhoumiparsa).

Quarante neuf jours après son Éveil, le Bouddha Shakyamouni exposa le fondement de son enseignement sur quatre affirmations que l’on nomme les “quatre vérités des nobles” (sct. catvāri āryasatyāni). Cet enseignement, donné à Sarnath près de Bénarès en Inde, fait partie du premier des trois cycles[2] d’enseignements appelé la mise en mouvement de la roue du dharma (sct. Dharmacakra Pravartana Sūtra).

a) La vérité de la souffrance

b) La vérité de la cause de la souffrance

c) La vérité de la cessation de la souffrance

d) La vérité du chemin vers cette cessation

Ces quatre nobles vérités (sct. satya) est une synthèse concise de toute la philosophie bouddhique que renferme les Trois Corbeilles[3] (sct. Tripitaka) du Bouddha-dharma. L’avantage d’une synthèse concise est de définir une base consensuelle entre les différents courants bouddhistes, cependant cela n’empêche pas d’avoir différents commentaires, non pas divergents, mais plutôt  nuancés selon le véhicule (sct. yana) et la vue auxquels on se réfère. Toute la richesse d’une voie philosophique est d’avoir la liberté de commenter, voire interpréter, au regard de sa compréhension ou de son expérience personnelle et sans que cela soit réservée à une élite théocrate. Un enseignement qui, au sens littéral de bouddhique, propose de se libérer de l’ignorance et de s’émanciper du mal-être ne peut pas être réduit à un prêche et ne peut pas être laissé à la croyance et à la superstition. Le Bouddha Shakyamouni n’a fait que proposer à notre étude, à notre réflexion et à notre méditation, des éléments qui, au regard de sa réalisation, lui paraissait nécessaires à notre propre Éveil.

 

Vérité

Le terme “vérité” peut être quelque peu litigieux et susciter quelques polémiques. Il ne s’agit pas d’une vérité absolue et indiscutable prêchée au nom d’une transcendance et à laquelle il nous est demandé d’obéir. Ici, il faut prendre ce terme “vérité” au sens de “ce qui a été vérifié” et si cela a été vérifié c’est donc qu’au préalable cela ait été envisagé comme “vérifiable”. Quand le Bouddha Shakyamouni parle de vérité, il prétend qu’il a vérifié ce qu’il dit et il ne nous demande pas d’adhérer à sa vérité et de simplement le croire et surtout pas de lui obéir. Tout au contraire, il prétend également que ces dires sont vérifiables et nous invite à vérifier à notre tour. Par prétendre cela induit un courage et un partage des responsabilités. Qu’importe si le Bouddha Shakyamouni se soit éveillé ou pas. C’est de sa responsabilité. Par contre, si nous prétendons à l’Éveil, c’est de notre responsabilité de savoir ce qu’il reste à faire de l’enseignement qui nous a été proposé.

L’enseignement du Bouddha Shakyamouni s’établit dans une démarche spirituelle strictement philosophique et donc expérientielle au même titre que les philosophies de notre Grèce antique. Contrairement à un système religieux, Shakyamouni ne suggère pas une foi préalable. Le Bouddha Shakyamouni nous invite à douter parce qu’il n’est pas nécessaire de croire en lui. Dans une voie d’Éveil, il n’y a pas lieu de s’inquiéter si le doute vient à l’esprit. Vous ne serez pas traité d’impie ; enfin, je l’espère. Le doute invite à questionner les instructeurs puis de réfléchir à leurs réponses. Vous ne comprenez pas ? Continuer d’interroger les instructeurs.  Ensuite vérifier ; ce qui suppose s’appliquer à ce qu’on appelle la méditation. Doute et incompréhension sont des facteurs d’intelligence. Il faut en user à bon escient. Si l’on se refuse le doute et l’incompréhension on risque de se complaire dans la croyance avec toutes ses pathologies.

Maintenant, pour pouvoir vérifier un enseignement, il est important d’avoir les éléments nécessaires à cette vérification. Pour cela, le Bouddha Shakyamouni préconise trois entraînements : écoute, réflexion et méditation en y ajoutant les quatre sceaux du Dharma[4] et les quatre garanties[5] pour cette vérification.

Par l’écoute correcte, on se garantit de bien se référer au sens et non pas aux mots seuls. On ne peut pas se contenter d’une réponse vague. Par exemple pour le mot Dharmakaya. Ne vous laisser pas séduire avec une définition impressionnante mais stérile du genre « corps de la loi, corps ultime, que seuls les êtres éveillés peuvent percevoir ». Vous voilà bien avancé pour pouvoir vérifier. Tout le Bouddha-Dharma enseigne la nature de l’esprit et décrit son fonctionnement cognitif avec ses aptitudes. Le mot Dharmakaya n’échappe à la règle. Exiger un sens qui instruit sur la nature de l’esprit dans son fonctionnement et ses aptitudes. C’est la seule chose que nous puissions vérifier et c’est à cela que le Bouddha Shakyamouni s’est éveillé.

Si l’on ne dispose du sens exact d’un mot ou d’un concept, il ne nous est pas possible d’y réfléchir pour le vérifier par l’expérience en contemplant la nature de notre esprit. Alors, on ne peut plus prétendre être engagé dans une voie d’éveil. On se laisse plutôt porter sur la voie confortable de la croyance.

 

Noble et vérité

Le terme “noble” (sct. arya) n’est pas adjectif qualificatif de vérité. Il est adjectif référent à la Voie que constituent ces quatre vérités. “Vérités” dans le sens où leur affirmation est basée sur des expériences qu’il est possible de faire à notre tour en s'appliquant à l’écoute, la réflexion et la méditation. “Noble” dans le sens où la Voie que suggèrent ces quatre vérités conduit à l’Éveil des Arya Bodhisattvas et des Bouddhas qu’est la réalisation de la noble nature de l’esprit et la libération de la souffrance.

Ces quatre vérités ont été enseignées dans un ordre cohérent à la progression du chemin vers l’Éveil.

 

I. La vérité de la souffrance

Avant d’envisager de se soigner et de suivre un traitement médical il faut bien au préalable se rendre compte de son mauvais état de santé. De même, avant d’aspirer à l’Éveil et de s’appliquer à une pratique, il est indispensable d’en ressentir la nécessité. C’est pour cela que nous méditons en premier sur la vérité de la souffrance (sct. doukkha). Le Bouddha Shakyamouni nous suggère de constater la souffrance.

Il existe plusieurs manières d’exposer les différents types de souffrance. Ici, nous allons les énumérer globalement.

                  La souffrance de la naissance

                  La souffrance de la maladie

                  La souffrance de la vieillesse

                  La souffrance de la mort

Souffrance d’être séparé de ce que l'on aime

Souffrance d’être uni à ce que l'on n'aime pas

                  La souffrance due à l’attachement en les cinq agrégats 

Tous les êtres vivants, sans exception, cherchent à connaître le bonheur et à éviter la souffrance. Que ce soit le plus petit insecte ou l’homme le plus puissant du monde, les êtres ont tous ce même souhait : être heureux. Nous avons bien des expériences de plaisir et nous en tirons des satisfactions mais cela est dû à une réunion de causes et circonstances et aux fluctuations de nos propres humeurs. C’est pour cela que c’est impermanent, précaire et instable.

Nous devons juste constater ou reconnaître nos insatisfactions, nos tourments et toutes nos contrariétés existentielles[6] (sct. doukha). Ce constat n’est pas fait pour nous rabaisser dans le défaitisme et le fatalisme. Ce constat est l’antidote à l’espoir/crainte. L’espoir/crainte n’est ni l’espoir ni la crainte, ces deux facteurs ayant leur propre vertu. L’espoir/crainte est un sournois mélange d’autopersuasion, d’auto-tromperie pour se contenter de compen-sations palliatives.

Il est important de constater nos doukhas parce qu’ils sont des informations significatives de la même manière qu’une douleur à une dent nous informe d’une carie. Sans cette douleur nous ne pourrions pas imaginer une carie. L’erreur serait de faire un déni de nos contrariétés existentielles ou de se contenter de prendre de l’aspirine en se persuadant qu’il n’y a pas de carie. Au même titre que le processus biologique, qui nous fait ressentir une douleur comme celle d’une dent cariée, peut être considéré comme une bienfaisance physiologique, le processus cognitif qui nous fait ressentir nos contrariétés existentielles participe de la bienfaisance inhérente à la nature de l’esprit.

La présence de doukha témoigne de notre inefficacité et de notre manque d’intelligence au bonheur. Tant que l’on espère un bien-être sans remettre en cause les illusions qui conditionnent notre existence, toutes nos démarches de bonheur sont tôt ou tard vouées à l’échec.

Le constat factuel de nos contrariétés existentielles est donc une question de lucidité et nous invite à une véritable analyse qui permettra de faire naître une ferme résolution (sct. samkalpa) sans laquelle il n’est pas possible d'emprunter efficacement un chemin d’émancipation et d’éveil.

On pourrait penser, qu’en énonçant la souffrance comme la première vérité, le Bouddha Shakyamouni ait commencé par la mauvaise nouvelle. On pourrait également raisonner à l’inverse. Ainsi, la bonne nouvelle de cette première vérité c’est qu’on dispose suffisamment d’information pour tirer les enseignements de nos insatisfactions existentielles. Ce n’est pas une vue masochiste pour pénitent victimaire si elle nous amène à réagir intelligemment, c’est-à-dire en choisissant de traiter les causes et non pas de contenter de soulager les symptômes.

 

Cette première vérité désigne ce qu’il faut constater

 

II. La vérité des causes de la souffrance

Pour un enseignement consensuel de cette vérité on peut s’en tenir à désigner la soif comme la cause immédiate de doukha. C’est un fait pathologique indéniable. S’il y a soif il y aura doukha, de sorte que s’il y a extinction de la soif (sct. nirvana) il y a cessation de doukha.

Dans une perspective plus large de l’Éveil, où l’on nuance les réalisations en fonction des aspirations et de la vue des individus, on peut désigner un échelonnement de causes à la souffrance.

1)   À la base toute, l’absence de réalité (vacuité) des phénomènes et de l’esprit, où ignorance et gnose sont, de fait de leur vacuité, co-émergente. Ce qui est qualifié par « sahaja réel » de la nature « vajrasattva ».

2)   Par inadvertance de chaque instant, cette vacuité prend fonction d’annihilation engendrant l’ignorance.

3)   Procède alors la soif délibérant d’un espoir/crainte et apposant un sens qui ne sert que sa propre justification et permettant d’ignorer notre ignorance. De cette soif procède la saisie réductrice et le devenir conditionnée d’illusions et de distorsions (sct. kléshas).

Dans le Dhammacakkappavattana Sutta, il est fait mention de trois types de soif.

« La soif en les six facultés sensorielles, la soif d'existence et la soif de non-existence. Mais quel est le terreau de cette soif qui lui permet d'apparaître et de s'épanouir ? Partout où il y a une apparence de plaisir et de satisfaction, c'est là qu'elle surgit et prospère. »

Là aussi on pourrait se poser la question si cette deuxième vérité est une bonne ou une mauvaise nouvelle. En fait, c’est une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle c’est que Doukha n’est pas une fatalité puisque c’est l’effet d’une cause et que l’on peut remédier et se libérer définitivement de cette cause. Doukha n’est pas le fait d’une rétribution, d’une punition ou d’une malédiction. Doukha n’est pas dû au fait de vivre ou d’être incarné, né humain sur terre. Doukha est le symptôme de la soif.

C’est vrai que dans ce soutra on peut lire ; la mort est doukha, la maladie est doukha, la vieillesse est doukha. Çà fait très fataliste. Pour être franc, je n’ai pas eu l’occasion de lire le texte original en sanscrit ni en tibétain. La deuxième vérité fait toute la nuance. En fait, il faut comprendre que s’il y a doukha à propos de la mort, de la maladie, de la vieillesse, c’est qu’on est illusionné par la soif.

Voilà pour la bonne nouvelle. Maintenant, la mauvaise nouvelle c’est que la cause de doukha que l’on nomme la soif est un fonctionnement complètement conditionné d’illusion et que par nature, une illusion ne se montre pas comme telle à la conscience. Il est alors difficile d’abord de bien comprendre ce concept de soif et ensuite de l’identifier dans les manœuvres et les manigances de notre esprit illusionné. Cela aurait été plus facile que la cause de doukha soit l’incarnation ou bien l’existence humaine. En étant “jusqu’au-bouddhiste”, il aurait suffit de prescrire des contraceptifs à toute l’humanité et d’exterminer le monde animal et, pourquoi pas, de polluer radicalement notre planète pour qu’aucune vie y soit possible. Bien cela soit en train de se faire, ce ne sera pas la solution pour se libérer de la soif et de doukha.

En fait, doukha est un phénomène d’expérience conditionné et n’a donc pas d’existence propre. De plus, doukha est vide de caractéristique propre (tib. tsèn nyi). Cela n’empêche pas que doukha soit effectivement éprouvé et il ne s’agit donc pas de conclure bêtement que la souffrance est une illusion. La vacuité de doukha veut dire que doukha n’est pas appréhensible en soi. C’est notre saisie erronée et notre soif discriminante qui l’appréhendent comme une altérité. Doukha est, comme tout autre phénomène, conçu selon des causes et circonstances relatives et donc vide d’altérité. Cette vacuité rajoute finalement au mal être existentiel parce qu’en saisissant une caractéristique propre en doukha nous concevons un bonheur en soi dont les caractéristiques seraient aux antipodes à celles que l’on prête à doukha. C’est encore la soif qui nous incite à établir une réalité en doukha pour suscite un espoir en une réalité d’un bonheur. Ceci limite notre analyse à une discrimination “manichéenne” qui, finalement, nous amène à traiter constamment le symptôme par antidote au lieu de se libérer de nos illusions et de la soif. La soif nous condamne à un combat entre rejeter toutes insatisfactions et rechercher que satisfactions[7].

On est constamment en recherche d’un bonheur en soi alors qu’il s’agit de rechercher la lucidité de nos concepts. Doukha est une manifestation symptomatique qui atteste une condition existentielle souillée par l’illusion[8]. Il s’agit donc de se libérer des conditions qui causent doukha : la saisie, la soif et l’ignorance.

La soif en les six facultés sensorielles.

Depuis des temps sans commencement, nous attribuons une réalité là où il n’y en a pas et nous ignorons cet état de fait. La soif maintient une tension pour une quête erratique de bonheur, de sens, d’un vrai moi, d’une instance supérieure etc. Une quête dont les jalons sont fixés par la soif elle-même.

Plaisirs et déplaisirs sont des expériences[9] qui s’élèvent au contact (tib. rèk pa) des six facultés sensorielles lesquelles s’aspectent (tib. nam) à la gnose (tib. shé) donnant un moment de conscience aspective (tib. nam shé).

Alors que plaisir et bien-être devraient servir de baromètres à notre Intelligence, la soif s’empare des plaisirs pour trouver satisfaction et projette le bonheur comme une finalité. L’expérience de satisfaction donne l’illusion que le plaisir fait (faction) satiété (satis) à la soif. Ce à quoi l’esprit illusionné agrée, percevant cela comme “extinction de la soif”. Ainsi se crée l’attachement qui impute au plaisir la tâche de donner satisfaction et compensation. Cet attachement devient aliénation et finalement ne profite pas du plaisir pour en jouir en toute intelligence.

On peut compter sur doukha pour nous montrer

que l’on n’est pas libéré de la soif.

Dans notre soif de bonheur nous allons au plus évident et nous sommes semblables au moustique stupide qui se jette sur la flamme d’une bougie. “Moi-je veux être heureux et éviter la souffrance” et à partir de ce point de vue égocentrique nous entrons en relation avec tout le “reste”, le monde et les autres. Les seuls outils de communication dont on dispose sont alors nos distorsions émotionnelles[10] (sct. kléchas). À partir de la polarisation, qu'implique la saisie d'une entité-ego, nous établissons des négociations, des accommodements ou des stratégies de toutes sortes pour tenter de satisfaire cette incoercible soif de bonheur. Nos plaisirs ne peuvent pas être juste goûtés. Ils sont l’otage de la soif pour nous procurer satisfaction.

Les kléshas ne peuvent pas satisfaire cette soif de bonheur. Bien au contraire, nous allons toujours plus profondément dans l'insatisfaction et la douleur en accumulant toujours plus de tendances et d'impulsions. Les kléshas ne fonctionnent pas en toute intelligence parce que l’Intellect est trop préoccupé et confus.

La cause de doukha est fondamentalement la croyance en une entité en les phénomènes et l’esprit. De là viennent les causes secondaires que sont les émotions perturbatrices (sct ; klésha) et les contaminations dans l’activité (sct. karma) naturelle des cinq agrégats.

Pour certains, les kléshas sous-tendent l'idée de faute, et leur conception du renoncement induit à l'esprit une attitude de redresseur de faute. Ce qui peut aller jusqu'à un comportement rigide, fanatique et dogmatique pour soi-même et pour les autres. Les kléshas procèdent d’un fonctionnement erroné de l’esprit et l’erreur participe du processus d’apprentissage pour peu que l’on considère l’inefficacité des kléshas et l’insatisfaction (doukha) qu’ils produisent. On peut considérer doukha comme un “bug” dû au dysfonctionnement d'une application de nos processus cognitifs (les agrégats), mais sans le “bug” nous ne serions pas informer d’un dysfonctionnement.

Les kléshas sont une méprise de l'esprit saisissant une entité en sa personne et une maladresse dans ce projet au bonheur. Par cette compréhension, il est plus facile d’envisager le pardon, la bienveillance, la compréhension et la sagesse.

Nos kléshas sont pour l'instant le seul moyen dont nous disposons pour émettre ou recevoir. Cependant la perception de la réalité est erronée. On établit un rapport de projections et d’introjections. Dans le terme sanscrit kléscha (tib. nyeun mong), il y a à la fois une idée de distorsion et une idée de perturbation. Nous ne sommes pas simples et la dynamique émotionnelle n'aide pas à la limpidité et à la quiétude.

Il ne s'agit pas non plus de vouloir renoncer au bonheur. Bien au contraire, et ce que l'on appelle “prendre refuge dans le Bouddha” peut être considéré comme une sublimation de la soif vers le bonheur. Renoncer au bonheur serait une résignation et une démobilisation inconsciente qui finirait par déboucher sur un spiritualisme morbide. Cependant, le bonheur ne doit pas être pris comme une réalité propre que l’on prendrait comme une finalité suffisante. Le bonheur doit être considéré comme un symptôme, l’effet d’une succession de causes vertueuse à la lucidité.

On ne renonce pas au bonheur comme critère d’intelligence. On ne renonce pas aux plaisirs tout fugaces qu’ils sont. On ne renonce pas non plus aux satisfactions si elles ont lieu d’être éprouvées. On renonce – et c'est là une résolution qui engage toute sa responsabilité – à l'illusion, la saisie, la soif et l’ignorance.

Il est important, dans le concept de cette première soif, de ne pas mettre en cause le plaisir lui-même et d’y apporter un jugement moralisateur en confondant inhibition et vertu. On renonce à l’illusion et à la soif mais on ne renonce pas au plaisir. L’esprit ne peut échapper à l’expérience qui est un continuum fluctuant de plaisir/déplaisir. Une fois qu’on est libéré de cette première soif, rien n’empêche d’avoir ce continuum expériences de plaisir/déplaisir et il ne sera pas souillé par les tentatives désespérées de la soif en les facultés sensorielles.

La soif d’existence et de non-existence.

La soif en les facultés sensorielles est une soif périphérique. Les soifs d’existence et de non-existence agissent plus en secret dans les rouages de notre conscience. La soif d’existence tente de trouver de l’Être en soi, un soi absolu. À l’inverse, la soif de non-existence est le comble du “désespoir espérant trouver” la paix par le néant, le non-être, le non soi absolu. Cela se traduit, par exemple, en espérant que la mort existe en tant que telle, c’est-à-dire qu’elle aurait le pouvoir d’anéantissement absolu.

 

Cette deuxième vérité est ce à quoi il faut renoncer

 

 

         III. La vérité de la cessation de la souffrance

Cette vérité affirme que la cause qui produit la cessation de la souffrance est l’extinction de la soif qui en sanscrit se dit « nirvana ». Ce nirvana est également une base consensuelle à tous les courants de pensées bouddhiques. Cette notion d’un lien de cause à effet entre l’extinction d’un fonctionnement cognitif illusoire et l’expérience de cessation d’un mal-être se retrouve dans les concepts d’ataraxie[11], d’épochè[12] et de catharsis[13].

Cette troisième vérité affirme que la qualité innée de notre esprit est bienheureuse, paisible, libre, pure etc… Depuis des temps sans commencement la nature de l’esprit est une santé bienfaisante. Cette nature primordiale est pour l’instant recouverte des quatre voiles.

Quand on dénonce la souffrance, on n'incrimine aucun objet ni aucune condition extérieure. On pourrait même le regretter. Ce serait si facile. Il aurait suffi au Bouddha de désigner un responsable objectif de Doukha. Il aurait dit : c'est le corps, c'est l'argent, c'est le sexe, c'est l'autre, c’est la vie, c’est la mort, c’est la vieillesse etc… Malheureusement, la cause de Doukha est d’ordre cognitif.

Ce qui est donc mis en cause c'est la méprise dans laquelle se trouve l'esprit. La méprise de la saisie en une entité[14], la méprise de la soif qui assigne une justification de cette saisie et la méprise fondamentale qui est d’ignorer la nature même de l’esprit et des phénomènes cognitifs. C'est donc en allant au-delà de la méprise que se provoque l’extinction de la soif, le nirvana, qui établit cette paix dénuée de doukkha.

Je parlais tout à l’heure de base consensuelle. Ainsi, il est admis par tous entre les courants bouddhiques que l’extinction de la soif (nirvana) entraîne la cessation de la souffrance (doukha). Que l’on soit qualifié d’arhat, de bodhisattva ou de bouddha, s’il y a cessation de la soif il y a extinction de doukkha. Maintenant, les différents consistent à considérer le nirvana comme le fruit ultime, nécessaire et suffisant, ou pas. Pour certains, le nirvana n’est pas le fruit ultime et donc il n’est pas suffisant mais, en plus, il peut être considéré comme non nécessaire. Seule la gnose, la fin de l’ignorance, est considérée comme le fruit ultime et dont la conséquence est de recouvrer la bienfaisance (sct. mahakaruna) et surtout l’effiscience[15] (sct. upaya) c’est-à-dire la connaissance des effets qui peuvent aider les êtres à s’émanciper de leurs illusions.

 

Cette troisième vérité est ce à quoi il faut aspirer

 

IV. La vérité du chemin vers cette cessation

Ce qui fait la qualité immense et précieuse de l’existence humaine c’est la possibilité de se rendre compte que nos insatisfactions proviennent de la nature éphémère de notre existence et de notre mortalité. Réaliser la vanité de nos satisfactions et compensations génère en l’individu une aspiration spirituelle qui fera que son existence prenne tout son sens.

Cette aspiration personnelle peut prendre toutes sortes de formes et de chemins, mais quoi qu’il en soit, cette aspiration ne devrait jamais se départir de la bonne volonté, de l’honnêteté, de la simplicité, du bon sens, de l’humour… finalement de toutes les qualités élémentaires qui rendent l’être humain digne de ce nom. Appréhendé de cette façon, notre cheminement spirituel nous fera développer progressivement des vertus comme la compréhension de l’autre, l’empathie, la tolérance, l’indulgence, le pardon…

 

L’octuple chemin

Le bouddha Shakyamouni présente ce chemin vers la cessation en huit membres (sct. angas) ce qui fait qu’il est appelé “l’octuple chemin” (sct. astangika-marga). Ces huit membres sont: 1) la vue juste, 2) la pensée juste, 3) la parole juste, 4) l’action juste, 5) les moyens d’existence justes, 6) l’effort juste, 7) l’attention juste et 8) la concentration juste.

Le sanscrit Samyak, qui préfixe chacun des huit angas ou membres du Chemin, signifie « conforme, approprié, intégral, complet ».

Chacun des huit membres du chemin à l’Éveil se doit donc d’être “approprié” en considération de l’erreur que la saisie, la soif et l’ignorance établissent sur la nature véritable des phénomènes et de l’esprit.

Cet octuple chemin peut se résumer en trois :

1. La sagesse qui regroupe la vue juste et la pensée juste.

2. L’éthique avec la parole juste, l’action juste et le mode de vie juste.

3. La méditation qui comprend l'effort juste, l’attention juste et la méditation juste.

1. La sagesse qui regroupe la vue juste et la résolution juste.

La vue juste (sct. samyak-dristi)  consiste à avoir une conception précise de que l’on considère comme étant l’Éveil. Elle permet donc de disposer de l’intelligence nécessaire pour bien commencer le chemin qui mène à l’Éveil. En s’appuyant sur une conception juste, la résolution juste (sct. samyak-samkalpa) permet de corriger la trajectoire selon les compréhensions et les expériences rencontrées.

1)   La vue juste

La vue juste (sct. samyak-dristi) consiste à prendre pour base cette “justesse” qui peut se résumer par le tétralemme (sct ; catuṣkoṭi) : « ni existant ni non-existant, ni à la fois existant et non-existant, ni différent à la fois de l’existence et de la non-existence.

Pour résumer cette vue juste, c’est la vue qui concilie réalité ultime et réalité relative. C’est la vue de la vacuité en tous les phénomènes et en l’esprit tout en prenant compte la production interdépendante qui régit toute manifestation.

C’est la vue du sahaja : « l’apparence et vide co-émergent, la connaissance et vide co-émergent, au contact d’apparence et connaissance toute expérience est félicité-vide ».

Le chemin octuple commence par la vue parce que l’on doit savoir en quoi consiste l’Éveil avant de prétendre y aspirer. La vue juste est en quelque sorte notre cap qu’il ne faut pas perdre de vue jusqu’à l’Éveil. C’est en cela que juste (sct. samyak) a le triple sens d’approprié, intégral et complet.

Dans le vajrayana, on parle de vue pure, c’est-à-dire dénuée de discrimination, cette absence de discrimination correspondant à

On peut diviser la vue en trois : la vue de la base, la vue du chemin et la vue du fruit.

Dans mon approche du Sahaja, je commente les trois vues pures ainsi :

La Vue Pure de la Base.

La conscience toute ordinaire est depuis des temps sans commencement dénuée de production et cependant elle jouit de la plénitude des aspects qui est l’expression de la vacuité d’altérité.

La vue pure de la Base constitue la sagesse de la compréhension.

La Vue Pure du Chemin :

Laisser aux apparences le seul sens d’apparaître. Laisser à l’esprit le seul sens de savoir.

La vue pure du chemin accumule la sagesse de l’expérience.

La Vue Pure du Fruit :

Voir ce qui ne peut être vu en la sphère de ce qui ne peut voir.

La vue pure du fruit constitue la sagesse de la réalisation.

 

Éternalisme et nihilisme

Par “juste” on peut également entendre libre des deux vues extrêmes que l'on nomme habituellement ; éternalisme et nihilisme.

L'éternalisme est une vue de l’esprit qui attribue une existence intrinsèque aux phénomènes et à l’esprit. Cette vue éternaliste se retrouve aussi dans les croyances en l’existence d’une entité transcendante qui échapperait à toute relativité.

Le nihilisme est une vue de l’esprit qui affirme l’absence totale d’existence. C’est en quelque sorte une intuition malencontreuse considérant la vacuité comme synonyme de néant et de vanité. Cet état d'esprit ne reconnaît aucune nécessité dans les phénomènes comme dans les consciences. Le nihilisme traduit un matérialisme extrême.

Plus que des dogmes, ces deux extrêmes représentent des constitutions psychologiques décelables en chacun de nous dans notre relation au monde, aux autres et soi-même.

Dans le sens où il est dénué des deux extrémismes, le Dharma prend alors figure “d'enseignement du milieu” en avançant conjointement deux réalités. La relativité et la vacuité. Il y a une réalité relative du monde objectif et du monde subjectif, à travers les apparences et les consciences, lesquels sont vides d'entité réelle.

À chaque moment-conscience nous nous percevons comme une “entité-même” (ego) permanente tandis que nous saisissons une altérité dans les apparences. Ce mode de perception est une méprise de notre esprit. Nous ne reconnaissons pas la réalité relative connaissance-objet et sa production interdépendante. Nous n'en reconnaissons pas le vide d'entité et d'altérité. Relativité et vacuité ne sont pas deux choses. Ce sont deux termes d'une synergie d'apparences et de connaissances qui excluent de fait un néant stérile ou une éternité figée.

Ce qui est appelé le Dharma du Bouddha est un enseignement qui expose un chemin sans se départir de l'indissociabilité de ces deux réalités.

Aussi, pour savoir si un enseignement relève du Saint Dharma nous devons exiger de son énoncé que le sens réponde pour ainsi dire à un label que l'on appelle “les quatre sceaux” :

1) Tous les phénomènes composés sont transitoires.

2) Tous les phénomènes souillés (par la saisie d’entité) sont souffrances.

3) Tous les phénomènes sont vides d'entité (soi).

4) L'au-delà de la souffrance est paix.

Il ne suffit donc pas qu'un enseignement comporte les mots “bouddha”, “karma” etc… pour le qualifier de bouddhique. Ces quatre sceaux préservent l'enseignement des deux vues extrêmes (éternalisme et nihilisme, existant et non-existant).

 

 

2)   La résolution juste

Tandis que la vue juste permet de bien commencer le chemin, la résolution juste (sct. samyak-samkalpa) permet de poursuivre le chemin jusqu’à l’Éveil malgré les difficultés et les erreurs rencontrées. Cette résolution prend appui sur le renoncement à l’égard de l’illusion et sur l’aspiration à l’Éveil.

Le renoncement à l’illusion crée la nécessité. Ce renoncement est une force qui nous fait tourner le dos à tout ce qui est non-vertueux à l’Éveil : la saisie, la soif et l’ignorance. Cette force est générée par les prises de conscience que l’on réalise tout particulièrement par les méditations des quatre idées fondamentales[16]. Cette nécessité qu’impulse le renoncement donne une vigueur à notre aspiration à l’Éveil, autrement dit, à la désillusion.

L’aspiration doit avoir la force de s’appliquer, en toute circonstance, à ce qui est vertueux à l’Éveil, comme les trois entraînements[17]. C’est une aspiration conséquente et non pas une simple velléité[18] qui vacille à la moindre contrariété ou susceptibilité.

La résolution sous entend donc une force de la volonté qui nous permet de se donner les moyens pour parcourir ce chemin vers l’Éveil et d’avoir la capacité de faire d’une erreur un apprentissage.

 

2. L’éthique avec la parole juste, l’action juste et les moyens d’existence juste.

Avec la sagesse, nous avons établit le cap précis de notre cheminement avec une ferme résolution à l’atteindre. Maintenant, parcourir un chemin nécessite une conduite éthique en accord avec la vue juste. En résumé, l’éthique (sct. Śīla) consiste à être attentif sur nos intentions pour voir et contrecarrer toute justification de nuire à quelqu'un.

L’éthique en elle-même n’éveille pas mais elle apporte les conditions morales favorables à la quiétude mentale et ainsi à la lucidité puis à la sagesse. L’Éthique permet d’être conforme (sct. samyak) à la bienfaisance (sct. mahakaruna) naturelle de l’esprit.

Nos intentions sont souvent impulsives et confuses. Impulsives au sens où elles répondent à une recherche de satisfactions immédiates et confuses parce que ce qui semble être une intention se compose d’une multicouche d’intentions annexes plus ou moins inavouées ou inavouables.

Le sanscrit Śīla que l’on traduit par éthique a le sens de rafraîchir dans le sens où l’attention éthique apporte une vision claire sur nos intentions. Elles n’auront pas de zone d’ombre et se présenterons sans d’arrière pensée. C’est la fraîcheur de la spontanéité qui peut être libérée car nos intentions ne s’octroient aucune justification de nuire à quelqu’un.

1)   La parole juste

La parole juste (sct. samyak-vaca) comporte

1. ne pas mentir ;

2. ne pas semer la discorde ou la désunion ;

3. ne pas tenir un langage grossier, ne pas bavarder oisivement.

2)   L’action juste

L’action juste (sct. samyak-karmānta) comporte cinq préceptes de base.

1.    s’abstenir d’ôter la vie ;

2.    s’abstenir de prendre ce qui n’est pas donné ;

3.    s’abstenir de commettre des inconduites sexuelles (au détriment de l’autre ou contre sa volonté)

4.    s’abstenir d’induire en erreur ;

5.    s’abstenir de prendre des substances pouvant altérer l'esprit (psychotrope, alcool...).

3)   Les moyens d’existence juste

Les moyens d’existence (sct ; ājīva) renferment tout ce qui est nécessaire au maintien de notre existence et les activités qui en découlent. Par exemple la nécessité financière qui entraîne une vie professionnelle et les moyens de déplacements qui en découlent. De même pour la nécessité alimentaire, la nécessité familiale, sociale etc.

En résumé, nos moyens d’existence juste (sct ; samyak-ājīva) ne doivent pas se faire au détriment d’autrui.

 

3. La méditation qui comprend l'effort juste, l’attention juste et la méditation juste.

Ici, je vais juste reprendre des extraits tirés du Samyuktâgamasûtra[19].

1. L’effort juste

Aspirer à l'encontre des mauvais Dharmas au profit des bons Dharmas.

C'est vouloir avec persévérance les moyens de se libérer, c'est faire diligence et se montrer capable d'endurance, c'est toujours progresser sans jamais reculer.

2. L’attention juste

C'est suivre les pensées, les contrôler et ne pas les laisser s'égarer.

3. La méditation juste

C'est maintenir son esprit dans le calme, le fixer solidement, le pacifier, le concentrer, l'unifier.

 

 

Cette quatrième vérité est ce qu’il faut appliquer

 

 

 

 



[1] Rappelons ici qu’au sens bouddhique, l’Éveil désigne la réalisation de la nature ultime des phénomènes et de l’esprit.

[2] Le premier cycle du Dharma aborde le thème des quatre vérités des êtres nobles et institue deux des quatre systèmes philosophiques : vaibhashika et sautrantika. Le second tour de roue est appelé le cycle sans caractéristique et institue un troisième système philosophique : madhyamika. Le troisième, le cycle insurpassable qui institue un quatrième système philosophique : yogacharya. Ces enseignements ont été transmis en fonction des aspirations, des aptitudes et des facultés des disciples.

[3] Le Vinaya, les Soutras et l’Abhidharma

[4] Les quatre sceaux du Dharma : 1) Tous les phénomènes composés sont transitoires (sct. anitya, tib. mi tak pa). 2) Tous les phénomènes souillés* sont souffrance (sct. duḥkha).       3) Tous les phénomènes sont sans substance (sct. anātman). 4) Le nirvāṇa est paix (sct. śāntam).

* souillés par l’ignorance, la soif et la saisie.

[5] Les quatre garanties : 1) S’en remettre au sens des mots et non pas aux mots seuls. 2) S’en remettre à l’enseignement proposé et non pas à l’enseignant seul. 3) S’en remettre à l’expérience et non pas à la croyance seule. 4) À toute expérience, s’en remettre à la vue de la vacuité.

[6] Parmi les différentes traductions possibles pour doukkha, j’ai opté pour “contrariété existentielle” dans le sens où notre aspiration au bien-être sera constamment contrariée tant que l’on espère l’obtenir sans remettre en cause la soif et les illusions qui conditionnent notre existence.

 

[7] C’est l’un des huit dharmas mondains : gain/perte ; satisfaction/insatisfaction ; approbation/désap-probation ; considération/inconsidération. Ce sont des préoccupations infructueuses et énergivores

[8] Le Bouddha enseigne que le samsara et le nirvana sont indifféremment vides de nature propre. Par contre, leurs conditions diffèrent. La condition relative au samsara est l’illusion et la condition relative au nirvana est la désillusion. Ces conditions se manifestent également différemment. La manifestation due à l’illusion est doukha (mal-être) et la manifestation due à la désillusion est soukha (bien-être).

[9] Ces expériences relèvent du processus cognitif que l’on nomme habituellement « agrégat sensation ».

[10] Les kléschas sont classés en six grandes familles : désir/attachement, répulsion/aversion, ignorance/opacité, avidité/obsession, inhibition/adversité et orgueil/polarisation.

Il est nécessaire de réfléchir à ce que l'on traduit par “émotions” car il ne s'agit pas de confondre avec les sentiments et au fait d’être ému. Une émotion (lat. exmovere) est une réaction. Or klésha est un vecteur mental qui impulse deux temps : un instant perceptif (intellectif) souillé et un instant ré-actif impactant le devenir subséquent. Ce deuxième temps est souvent traduit par “émotion perturbatrice” mais c’est sans tenir compte du premier temps qui lui relève d’une perception distordu. Aussi je préfère traduire klésha par “distorsion émotionnelle” ou bien “distorsion pathologique” qui est plus proche du tibétain “nyeun mong”, littéralement “tordu fou”.

Quand le vajrayana enseigne la co-émergence de klésha et sagesse, on fait allusion au premier temps parce qu’il ressort de l’Intellect lui-même qui opère une intelligence plus ou moins erronée et efficace. Ainsi : le désir co-émerge au discernement, la répulsion co-émerge à la clarté, l’ignorance co-émerge à la gnose, l’inibition co-émerge à l’opportunité et l’orgueil co-émerge à l’équitabilité.

[11] L'euthymie (du grec eu, bien, heureux et thymia, l'âme, le cœur) Démocrite conçoit l’euthymie comme une disposition idéale de l'humeur correspondant à une forme d'équanimité, d'affectivité calme et de constance relative des états d'âme.

[12] « La suspension est l'état de la pensée où nous ne nions ni n'affirmons rien. Quiétude (arrepsia), c'est la tranquillité et la sérénité de l'âme » (Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, I, 10).

[13] Chez Platon, elle est le pouvoir de séparer l’âme de son ignorance.

[14] Par entité, il faut entendre une chose ou une essence qui échapperait à toute causalité. Or, rien de tel ne peut être trouvé.

[15] Effiscience : Néologisme de Lama Shérab signifiant “science des effets” pour traduire le sanscrit “upāya”, fruit spécifique de l’Éveil complet (sct. Samyaksaṃbouddha), au service des êtres. Cet “upāya” du fruit renvoie à l’activité (sct. karma, tib trin lés) des cinq Intelligences inhérentes à la nature de la gnose primordiale (tib. yéshé). Il y a d’autre part, dans le véhicule causal des paramitas (sct. paramitayana), le “upāya” du chemin (moyens appropriés) qui, à l’appui de la Prajna (tib. shérab), permet de combiner discernement et méthode pour actualiser la gnose primordiale.

 

[16] 1) La précieuse existence humaine ; 2) L’impermanence et la mort ; 3) La causalité mentale, le karma ; 4) La défectuosité d’une existence conditionnée par l’illusion, le samsara.

[17] L’écoute, la réflexion et la méditation.

[18] Il y a très loin de la velléité à la volonté, de la volonté à la résolution, de la résolution au choix des moyens, du choix des moyens à l’application. — (Jean-François Paul de Gondi de Retz)

[19] J'invite les personnes intéressée par l'étude des soutras à visiter le site suivant : http://www.canonpali.org/tipitaka/suttapitaka/suttapitaka.html